 
Dans un rapport adressé au Conseil de Sécurité de l’Organisation des Nations Unies ce mois-ci, plusieurs tiktokeurs haïtiens sont accusés comme étant des personnes qui auraient reçu des cadeaux de la part du chef de gang Renel Destina alias Ti Lapli à travers la plateforme « TikTok » .
Depuis certains temps, les bandits armés sont très actifs sur les réseaux sociaux, notamment TikTok. Ces derniers ont un grand nombre d’abonnés et des milliers de likes. Ils réalisent des series de vidéo en direct avec d’autres membres de gang, ainsi que certains « influenceurs ». Ils publient également des vidéos prônant la violence, célébrant leur victoire après avoir détruit des commissariats, incendié des véhicules de la Police Nationale d’Haïti, des maisons appartenant aux membres de la population et d’autres scènes de violence .
Si beaucoup d’Haïtiens désapprouvent les actions criminelles des bandits, d’autres les soutiennent ouvertement sur les réseaux sociaux, selon certains constats.
Dans un rapport publié par l’ONU, des chefs de gangs sont dénoncés pour diffusion de vidéo de menace, des contacts avec des influenceurs et pour incitation à la violence contre des opposants politiques et des journalistes en ligne. À part TikTok, les chefs de gang utilisent également d’autres réseaux sociaux comme Facebook. L’ONU a également indiqué que le porte parole de la coalition de gangs « Viv Ansanm » Jimmy Cherizier dit Barbecue avait utilisé la plateforme YouTube lorsqu’ « il cherchait à fédérer plusieurs bandes rivales au sein du « G9 en famille et alliés » en 2020 .» Selon le rapport, Barbecue aurait également publié un message à travers X pour exhorter ses partisans à tout saccager.
« Les gangs sont actifs non seulement sur les grands réseaux sociaux mais également sur les plateformes de messagerie chiffrée, le dessein étant de faire passer des messages, d'afficher leur force, de délégitimer les institutions de l'État et de recruter de nouveaux membres » , rapporte l’ONU.
Elle a indiqué qu’en 2022, le chef du gang 5 Segond, Johnson André dit « Izo » a envoyé des messages à ses « soldats » pour venger les meurtres commis par les gangs dans les zones placées sous leur contrôle. Il faut rappeler que ce dernier avait publié une vidéo dans laquelle il avait montré une plaque YouTube qu’il aurait reçue en raison de ses nombreux abonnés.
«Dans une vidéo sur TikTok diffusée en 2024, Jimmy Chérizier a exhorté les autres chefs de gangs, notamment Vitel'homme, et leurs partisans à capturer quatre journalistes de radio : « considérez les journalistes comme des ennemis, passibles de la peine de mort s'ils s'opposent à nous [...] les journalistes qui défendent les élites doivent être réduits au silence 15 » , poursuit le rapport .
Les quatre journalistes pris pour cibles sont deux journalistes, présentateurs du journal « premye okazyon » diffusé sur la Radio Télévision Caraïbes et deux animateurs de l’émission Matin Débat sur la Radio Télé Éclair, Loucko Désir et Esaue César.
L’ONU a dénoncé « la présence des chefs de gangs de la coalition « Viv Ansanm » sur les réseaux sociaux pour célébrer leurs actes criminels, intimider leurs rivaux entre autres ainsi que pour faire accroire l'idée selon laquelle ils fourniraient des « services sociaux » et mobiliseraient une « révolution» légitime. »
Elle a signalé que « les vidéos diffusées en direct sont un moyen de contourner la presse écrite et audiovisuelle et d'accélérer la propagation de la désinformation et de la mésinformation. « Des images d'une extrême violence, y compris de viols, circulent régulièrement sur des groupes WhatsApp privés », poursuit l’ONU dans ce rapport.
La plateforme TikTok permet de gagner de l’argent suite au nombre d’abonnés, de vues ainsi qu’à travers des cadeaux distribués par des donateurs lors des matchs en direct, des live et d’autres jeux organisés par certains influenceurs. Selon le rapport, le chef de gang Renel Destina (alias « Ti Lapli ») aurait offert des « cadeaux » à des influenceurs haïtiens, notamment « Tati Mendel », « Commandant », « Parrola », « Belle-Enfant » et « Trapalman ».
Des investigations complémentaires sont exigées par l’ONU autour de l'acheminement de fonds vers des gangs et des réseaux criminels par l'intermédiaire des réseaux sociaux.
Réactions de certains tiktokeurs cités
Suite à la publication de ce rapport, certains tiktokeurs indexés ont réalisé des vidéos en direct pour se défendre tandis que d’autres sont restés dans leur silence. « Trapalman » a fait savoir qu’il n’a participé depuis quelques temps  aux matchs de Titktok et qu’il n’y aucun lien avec le chef de gang Ti Lapli.  Cependant, Il a indiqué qu’il lui avait envoyé un cadeau lors d’un match.
« Je jouais une fois à Choc des Titans,  j’avais subi 7 punitions et j’étais même disqualifié pour une durée de trois mois. Ti Lapli, je ne sais pas s’il avait l’habitude de regarder mes vidéos. Je sais pas si c’était un complot et il  m’a envoyé un chat de 4k », a expliqué le tiktokeur résidant aux Etas-Unis, soulignant qu’il avait remarqué avoir reçu un cadeau du chef de gang à la fin du match suite aux dénonciations des faits par un autre tiktokeur dénonçant les faits puisqu’il y avait beaucoup de donateurs, se défend-il.
« Je ne serais pas disqualifié s’il jouait pour moi » , a précisé « Trapalman », soulignant que ce dernier avait envoyé des cadeaux de 200 et 300 k à d’autres tiktokeurs. Ces faits, dit-il, ne sont pas révélés.
« Belle Enfant » de son côté estime qu’il y a des choses plus importantes à régler comme résoudre le problème d’insécurité qui provoque le déplacement massif des membres de la population au lieu de s’occuper des tiktokeurs.
« Tatie Mendel » a pour sa part exprimé son mécontentement suite à l’implication de son nom dans ce rapport. Il estime qu’il s’agit d’un complot.
Dénonciations et injures
En 2024, « Ti Lapli » a été signalé à plusieurs reprises d’avoir fait des dons lors des matchs des tiktokeurs. Certains d’entre eux dont « UncleKendji » l’avait dénoncé. Il l’avait traité de « kidnappeur, voleur…» et qu’il n’avait pas besoin de son « argent sale ». Le Jacmelien, en colère, avait lancé des propos injurieux à l’endroit du puisant chef de gang de « Gran Ravin ». Une vidéo qui était devenue virale sur les réseaux sociaux.
Le rapport de l’ONU sur des liens présumés entre des « influenceurs » particulièrement issus de la diaspora et des bandits armés en Haïti intervient trois mois après les avis de recherche lancés par la police nationale d’Haïti via la direction centrale de la police judiciaire ( DCPJ) contre Louissant Kervens, Louissaint Jean Max « Ralph Laurent » et Prospère Beatha. Ces trois personnes populaires sur le net sont accusées d’ « association de malfaiteurs et d’incitation à la violence » en raison de leur soutien affiché aux actions des bandits.
Par: Daniella Saint-Louis
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