
Dans un communiqué de presse publié le 10 octobre 2025, le FMI souligne des avancées notables réalisées par Haïti dans le cadre de son programme de référence, malgré un contexte de crise aiguë. Cette évaluation, menée à distance par l’équipe de Camilo E. Tovar, met en lumière les efforts des autorités haïtiennes pour renforcer la crédibilité du pays auprès des bailleurs, dans un environnement miné par l’insécurité et la faiblesse institutionnelle.
Au terme de la mission, le FMI a applaudi les efforts des autorités nationales et souligné la forte appropriation du programme, notamment via un comité de haut niveau chargé du suivi des réformes. Cependant, les services du Fonds restent attentifs à la conjoncture sécuritaire et aux risques externes pesant sur le pays.
Selon le communiqué, tous les objectifs quantitatifs et indicatifs avaient été atteints à la date d’évaluation, soit fin juin 2025. Parmi les points saillants figurent l’absence de financement monétaire du déficit budgétaire, une accumulation continue des réserves de change, et des performances en recettes satisfaisantes. Le FMI relève aussi que les dépenses sociales ont été maintenues à un niveau conforme aux engagements du programme. Ce succès reflète en partie la vigueur des envois de fonds des Haïtiens à l’étranger, considérés comme un pilier externe favorable au solde des transactions courantes. Malgré un environnement économique et sécuritaire tendu, le projet de réforme continue de progresser, bien qu’avec des retards dans certains volets.
« La situation économique d’Haïti demeure fragile », avertit M. Tovar dans sa déclaration finale. Le pays connaît une septième année consécutive de contraction économique. L’inflation, elle, se maintient proche de 32 % en glissement annuel. Le secteur bancaire ne sort pas non plus du bois : les prêts non performants dépassent les 13 % à mi-2025, même si le ratio de fonds propres du système à 22 % demeure au-dessus du seuil réglementaire de 12 %.
Autre point de tension : la politique budgétaire. En dépit d’efforts pour restreindre les dépenses, la marge d’action reste très étroite en raison de l’insécurité et des contraintes institutionnelles. Pour l’exercice 2025, le mandat budgétaire a été globalement équilibré, soutenu par une meilleure collecte des recettes et une exécution prudente des dépenses.
Les réserves de change brutes s’élèvent à plus de 3,1 milliards de dollars, ce qui représente l’équivalent d’environ sept mois d’importations potentielles. Le taux de change nominal est resté stable, ce qui induit une appréciation du taux de change réel.
Dans sa dernière évaluation, le FMI insiste sur l'urgence de renforcer la gouvernance en Haïti. Les autorités sont appelées à accélérer les réformes en matière de transparence, de lutte contre la corruption et de responsabilité publique. L’organisation insiste sur la nécessité d'une évaluation nationale des risques liés au blanchiment de capitaux et au financement du terrorisme, condition essentielle pour sortir Haïti de la « liste grise » du GAFI et améliorer sa réputation financière internationale.
Le deuxième axe concerne la mobilisation des recettes et l’amélioration de l’exécution budgétaire. Le FMI recommande l’intégration automatique des systèmes fiscaux et douaniers, ainsi que l’élargissement de l’accès aux services fiscaux pour les grands contribuables via le réseau bancaire. Il insiste également sur la priorisation des dépenses sociales et sécuritaires, tout en saluant les efforts de renforcement de la trésorerie publique.
Enfin, le FMI appelle à consolider la politique monétaire et à améliorer la supervision financière. Il se félicite de l’absence de financement monétaire du déficit pour la deuxième année consécutive, un signal fort pour la stabilité macroéconomique. Il demande à la BRH de poursuivre ses efforts en matière de contrôle bancaire, de transparence, de publication d'états financiers audités, et de fiabilisation des statistiques macroéconomiques selon les normes internationales.
Malgré les avancées entrevues, le FMI alerte : les perspectives économiques restent exposées à des menaces baissières. Une escalade de la violence ou une montée des tensions sociales pourrait régler en partie l’issue de la trajectoire de croissance. Par ailleurs, un revirement des politiques migratoires ou commerciales au niveau international pourrait réduire les exportations et les flux de transferts, fragilisant davantage l’économie haïtienne.
Un élément d’espoir toutefois : la décision envisagée par le Conseil de sécurité de l’ONU d’ôter à la Mission internationale d’appui à la sécurité son rôle actuel pour la transformer en force multinationale de combat aux gangs. Soutenue par un bureau d’appui des Nations unies et l’Organisation des États américains, cette initiative pourrait marquer un tournant en matière de rétablissement de l’ordre, de consolidation institutionnelle et de relance économique.
Pour pérenniser les acquis et faire face aux déficits de développement, le FMI recommande expressément que l’aide internationale destinée à Haïti soit accordée sous forme de dons, et non de prêts à conditions strictes. Les besoins humanitaires, sociaux et infrastructurels du pays requièrent un appui plus souple, qui ne pèse pas sur la viabilité future de la dette.
Conformément à la stratégie adoptée pour les pays vulnérables ou en situation de conflit, le FMI continuera à coopérer avec les partenaires internationaux dans les domaines de la gouvernance et du renforcement des capacités.
Au cours de la mission, l’équipe du Fonds s’est entretenue avec l’acuité de ses interlocuteurs : Alfred Métellus, ministre de l’Économie et des Finances, et Ronald Gabriel, gouverneur de la BRH, ainsi qu’avec d’autres hauts responsables haïtiens. Le FMI s’est déclaré reconnaissant pour la coopération ouverte et constructive manifestée tout au long des échanges.
L’évaluation du FMI met en lumière un paradoxe : malgré un cadre extrêmement difficile, Haïti semble avoir contenu certaines menaces macroéconomiques. Le maintien de la discipline budgétaire, l’augmentation des recettes, la stabilité monétaire et la constitution de réserves sont autant de points positifs. Mais ces résultats fragiles sont étroitement dépendants du contexte sécuritaire, de l’efficacité des réformes et de l’aide extérieure.
À court terme, l’enjeu est de maintenir le cap : continuer d’exécuter les réformes avec rigueur, préserver la stabilité monétaire, améliorer la transparence dans la gestion des finances publiques et renforcer les dispositifs de gouvernance. À moyen terme, réussir le redressement d’Haïti exige une trajectoire de croissance inclusive, un soutien humanitaire ciblé et une collaboration plus forte entre les donateurs, le FMI et le gouvernement haïtien.
Si les conditions le permettent, le programme pourrait non seulement servir de tremplin à une aide budgétaire plus conséquente, mais également poser les jalons d’une reprise plus durable. Toutefois, cette perspective dépendra en grande partie sinon exclusivement de la capacité d’Haïti à maîtriser l’insécurité, à réformer ses institutions et à préserver la confiance des acteurs nationaux et internationaux
Arnold junior Pierre
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