La bataille de Vertières, acte final du combat pour l’indépendance d’Haïti, n’a pas été célébrée sur son site historique, dans le département du Nord. En raison des conditions sécuritaires, le Conseil présidentiel de transition (CPT) a choisi d’organiser une cérémonie réduite et strictement encadrée dans les jardins de la Villa d’Accueil, à Port-au-Prince. Autour d’un protocole discret, avec une presence très réduite des médias. Le CPT ont tenté de redonner sens à une date qui symbolise la victoire, la résistance et la dignité de la population.
Très tôt dans la matinée, les membres du CPT, accompagnés du Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé, de plusieurs ministres, du commandant en chef des Forces armées d’Haïti (FAd’H), Derby Guerrier, ainsi que du directeur général de la Police nationale d’Haïti (PNH), Jonas Vladimir Paraison, se sont rendus au Musée du Panthéon national haïtien (MUPANAH). Faute de conditions sécuritaires adéquates, la traditionnelle cérémonie à Vertières na pas été organisée sur sur le site. Les autorités ont choisi de déposer une gerbe de fleurs au pied de la statue de Capois-La-Mort, figure héroïque de la bataille du 18 novembre 1803. Une manière pour les responsables de montrer l’importance de maintenir vivante la mémoire de la lutte pour la liberté.
Après le dépôt de gerbe, la délégation officielle s’est dirigée vers la Villa d’Accueil à Musseau pour la cérémonie. Devant un public restreint, le commandant en chef Derby Guerrier a affirmé que l’esprit de Vertières doit rester une boussole pour une nation en quête de stabilité. « En ce 18 novembre 2025, nous célébrons avec fierté la victoire glorieuse de nos ancêtres », a-t-il déclaré, en soulignant que les héros de 1803 avaient prouvé au monde que « l’amour de la liberté peut renverser n’importe quel empire ».
De plus, le chef des armées a également rappelé que l’institution militaire porte une responsabilité historique : « L’armée que j’ai l’honneur de diriger n’est pas un corps d’appoint. Elle est l’expression de la volonté du peuple haïtien de rester debout et de demeurer libre. »
Dans son intervention, il a insisté sur la crise profonde que traverse le pays, notamment l’insécurité généralisée, les déplacements massifs de populations et l’effondrement des institutions. Chaque jour, a-t-il dit, des familles fuient la violence, des enfants sont privés d’enfance, des jeunes quittent le pays, et des milliers de personnes vivent dans la peur. « Chacune de ces souffrances est un appel à l’action », a affirmé Derby Guerrier, en promettant que les Forces armées se tiendraient aux côtés de la Police nationale et de la population pour rétablir un climat de stabilité.
Le président du Conseil présidentiel de transition, Laurent Saint-Cyr a pour sa part mis l’accent sur la nécessité d’un sursaut collectif. « Aucune force ne peut nous vaincre si nous sommes unis », a-t-il lancé, comme une invitation à rompre avec les rivalités politiques et les querelles qui affaiblissent davantage le pays. Pour lui, la commémoration de Vertières doit servir de rappel : « aucun progrès n’est possible sans cohésion nationale. »
Laurent Saint-Cyr a appelé les acteurs politiques, les institutions et les citoyens à placer l’intérêt du peuple au-dessus des ambitions personnelles. « Ce n’est pas le moment de se diviser, mais au contraire de s’asseoir ensemble, de dialoguer et d’assumer ensemble nos responsabilités », a-t-il martelé. Selon lui, il est urgent de restaurer la sécurité, de relancer un vrai dialogue politique et de préparer des élections crédibles.
En marge des discours, la cérémonie a été marquée par une prestation artistique du groupe d’Erol Josué, dont la présence a ajouté une dimension spirituelle et culturelle à l’événement. Par ses chants, ses sonorités et sa mise en scène, l’artiste a rappelé que Vertières n’est pas seulement une bataille militaire : c’est un héritage vivant, un acte fondateur inscrit dans la conscience collective d’un peuple qui se bat encore pour son avenir.
Chaque 18 novembre, Haïti se souvient de la dernière grande bataille livrée par l’armée indigène contre les troupes napoléoniennes. Ce jour-là, sous la pluie et dans le fracas des canons, les hommes de Capois-La-Mort ont affronté une armée mieux équipée, mais pas plus déterminée. Leur victoire a ouvert la voie à la proclamation de l’indépendance, le 1ᵉʳ janvier 1804, faisant d’Haiti la première République noire libre au monde.
Pourtant, plus de deux siècles plus tard, les célébrations sont ternies par la violence qui paralyse les déplacements, isole les régions, et empêche même l’accès à des lieux hautement symboliques.
Ce déplacement forcé de la cérémonie vers la capitale illustre la réalité d’un pays où l’espace national se réduit au rythme de l’expansion des groupes armés.
Malgré les obstacles, les responsables présents ont tenté de rappeler que Vertières n’est pas seulement un souvenir, mais un repère. Dans un Haïti marqué par la peur, la pauvreté et l’incertitude, cette date continue de nourrir l’idée que la liberté obtenue dans le sang doit être défendue, protégée et transmise.
Par Arnold Junior Pierre
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