
Le réseau national des droits de l’homme ( RNDDH) alerte sur les conditions générales de détention et du statut juridique des prisonniers en Haïti. Dans les différents centres carcéraux fonctionnels du pays, Selon le RNDDH, les conditions générales de détention sont catastrophiques. L’organisme de défense des droits humains note qu' en date du 29 septembre 2021, la population carcérale haïtienne est estimée à onze mille deux-cent-cinquante (11.250) personnes dont neuf mille deux-cent-trente-six (9.236) en attente de jugement et deux mille quatorze 2.014) condamnés, soit un pourcentage de 82 % en attente de jugement contre 18 % condamnés.
Dans ce rapport de 10 pages paru le jeudi 4 novembre, le RNDDH a attiré l’attention sur le fonctionnement alarmant du système carcéral haïtien, les conditions générales de détention et sur le statut juridique des prisonniers-ères en Haïti.
« Alors que l’attention de la population entière est drainée par la situation générale des droits humains dans le pays et l’insécurité qui rythme la vie, les détenus-es restent et demeurent des oubliés. Depuis plusieurs années, ils sont victimes de traitements cruels, inhumains et dégradants. De même, leurs droits aux garanties judiciaires sont constamment violés. Mais, au cours des cinq (5) dernières années, leur situation a empiré et, les informations ci-dessus, portant sur seize (16) des dix-neuf (19) prisons fonctionnelles dans le pays soit 84 % d’entre elles, illustrent cet état de fait. », alerte le RNDDH.
Dans les différents centres carcéraux fonctionnels du pays, selon le RNDDH, les conditions générales de détention sont catastrophiques. Elles violent les droits à la vie, à la santé, à l’intégrité physique et psychique des personnes incarcérées, en raison notamment du surencombrement cellulaire, de la promiscuité, de la propagation de maladies contagieuses, de la sous-alimentation chronique des détenus-es, de l’accès limité à l’eau potable, etc.
Le RNDDH rapporte que dans le département du Sud, une prison est fonctionnelle. Il s’agit de la prison civile des Cayes. Elle compte dix-neuf (19) cellules dont sept (7) ont été incendiées par les détenus suite au séisme du 14 août 2021. Ceci a occasionné l’évasion de vingt-huit (28) d’entre eux. Les travaux de réaménagement de cette prison se font encore attendre et les détenus-es sont entassés comme des sardines dans les cellules encore fonctionnelles. L’environnement du bâtiment est sale et des déchets éparpillés partout empêchent l’accès à la prison. Les détenus-es de la prison civile des Cayes n’ont pas de récréation. Une carence d’eau est causée par la panne de la pompe qui doit normalement la faire remonter du puits, ce qui réduit son accès aux détenus-es tant pour le bain que pour les autres tâches ménagères.
Pour ce qui concerne le département des Nippes, la prison civile de l’Anse-à-Veau
a subi des dommages lors du séisme du 14 août. Des promesses ont été faites par le Parquet près le Tribunal de première instance de l’Anse-à-Veau pour la construction et/ou le réaménagement de deux (2) cellules en supplément à celles qui sont aujourd’hui fonctionnelles. Cependant, à date, rien n’est fait. Par ailleurs, quelques libérations ont été consenties par les autorités judiciaires. Si celles-ci ont un peu allégé la prison civile de l’Anse-à-Veau, la situation juridique des détenus-es qui y sont incarcérés, reste encore caractérisée par la détention préventive illégale et arbitraire. Le commissariat converti en prison de Miragoâne, localisé aussi dans le département des Nippes fait face à un problème de surencombrement cellulaire au point où les autorités policières et judiciaires proposent de relâcher les personnes arrêtées, vu qu’il n’y a pas d’endroit où les maintenir en rétention et/ou en détention.
Dans le département de l’Ouest, l’organisme des droits humains note que six (6) prisons civiles sont fonctionnelles. Elles sont localisées dans les communes de l’Arcahaie, de Cabaret, de Carrefour, de la Croix-des-Bouquets, de Delmas (CERMICOL) et de Port-au-Prince.
« La prison civile de Port-au-Prince fait face à un problème de stock de nourriture. Un seul repas est offert généralement aux détenus. Cependant, certains jours, même ce repas unique est hypothétique parce que le renouvellement de stocks de nourriture se fait de manière très irrégulière et pour un temps trop court. Les cuisinières ne sont pas alimentées en gaz propane. La prison ne dispose pas non plus de carburant pour ses besoins journaliers. Au cours des douze (12) derniers mois, cette prison qui accueille le plus grand nombre de détenus dans le pays, n’a reçu les frais de condiments qu’à deux (2) reprises. », décrit le RNDDH
A côté des conditions générales de détention, le statut juridique des détenus-es est aussi très préoccupant. En effet, en raison du dysfonctionnement de l’appareil judiciaire haïtien, au cours de l’année judiciaire 2020-2021, les audiences correctionnelles ne se sont tenues que rarement et les audiences criminelles avec et sans assistance de jury n’ont été réalisées que dans certaines juridictions de première instance du pays
Selon le bilan du RNDDH autour des audiences criminelles dans treize (13) juridictions du pays, quatre-cent-vingt (420) cas ont été fixés mais seulement deux-cent-treize (213) ont été entendus et les deux-cent-sept (207) autres cas ont été renvoyés pour diverses raisons. Deux-cent-vingt-six (226) personnes ont été fixées sur leur sort.
A date, le RNDDH dit ne disposer que des informations relatives aux verdicts qui ont été prononcés pour cent-trente-deux (139) personnes dont quarante-huit (48) ont été libérées et quatre-vingt-onze (91) autres condamnées. Ces audiences n’ont donc pas eu un grand impact sur la population carcérale haïtienne estimée, en date du 29 septembre 2021, à onze mille deux-cent cinquante (11.250) détenus-es dont deux mille-quatorze (2.014) condamnés et neuf mille deux-cent trente-six (9.236), soit 82.09 % en attente de jugement.
Le RNDDH note que Les juridictions de première instance du Cap-Haïtien, de Fort-Liberté, de Grande-Rivière du Nord, de Jérémie et de Port-au-Prince n’ont réalisé aucune audience criminelle au cours de l’année judiciaire 2020-2021. Pourtant, huit (8) prisons au moins sont localisées dans ces juridictions. Leur population carcérale totale jusqu’au 29 septembre 2021 est de six mille cent-vingt-sept (6.127) détenus-es dont cinq mille cent-cinquante-deux (5.152) soit 84 %, en attente de jugement et seulement neuf-cent-soixante-quinze (975) condamnés.
Le RNDDH indique par ailleurs qu' une comparaison du statut juridique des détenus-es de la rentrée judiciaire 2020-2021 à sa clôture, souligne mieux le bilan catastrophique de cette année judiciaire sur la population carcérale. En effet, au 20 octobre 2020, la population carcérale haïtienne était estimée à onze mille cent-trente-et-un (11.131) détenus-es, dont huit mille huit-cent-neuf (8.809) en attente de jugement et seulement deux mille trois-cent-vingt-deux (2.322) condamnés. Ainsi, 79.14 % de cette population carcérale étaient en attente de jugement et 20.86 %, condamnés. Pourtant, au 29 septembre 2021, la population carcérale est estimée à onze mille deux-cent-cinquante (11.250)personnes dont neuf mille deux-cent-trente-six (9.236) en attente de jugement et deux mille quatorze (2.014) condamnés. Ainsi 82 % de la population carcérale sont attente de jugement contre 18 % condamnés.
« L’année judiciaire 2020-2021 qui a débuté avec 79.4 % de la population carcérale en attente de jugement s’est donc clôturée avec 82 % de la population carcérale en attente de jugement, soit une augmentation de 2.6 % de ce groupe de personnes. », a fait savoir l’organisme de défense des droits humains.
« En fait, l’évolution de la population carcérale au cours de ces cinq (5) dernières années dénote une absence totale de volonté des autorités étatiques de résoudre le problème de la détention préventive illégale et arbitraire. Le nombre de personne en attente de jugement n’a fait qu’augmenter chaque année, sauf en 2019 où une légère baisse a été enregistrée. », souligne-t-il.
L’organisme de défense des droits humains note également qu'au cours de ces cinq (5) dernières années judiciaires, à peine deux mille-quatre-vingt (2.080) personnes ont été jugées en audiences criminelles, ce qui prouve que les autorités judiciaires ne veulent consentir aucun effort pour impacter sérieusement la détention préventive illégale et arbitraire.
Pour finir, le RNDDH recommande aux autorités pénitentiaires et judiciaires de : Fournir régulièrement à toutes les prisons civiles du pays, des stocks de nourriture suffisants ; Réaménager les prisons civiles du grand sud qui ont été endommagées par le séisme du 14 août 2021 ; augmenter le nombre d’agents affectés à la garde des détenus-es, en tenant compte des normes internationales en la matière ; acheminer systématiquement et sans délai, les dossiers des personnes à l’encontre desquelles un ordre de dépôt est émis ; Organiser dans les plus brefs délais des audiences correctionnelles et criminelles pour réduire le nombre inacceptable de personnes en attente de jugement ; acheminer aux prisons, les dossiers des détenus-es qui ont été transférés, pour la libération de ceux qui ont fini de purger leur peine.
Par: Fenel Pélissier
- Log in to post comments