PubGazetteHaiti202005

La grève des magistrats met en grande partie les activités des cabinets d’avocats à l’arrêt

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La grève illimitée lancée par les associations des magistrats suite à l'arrêté présidentiel mettant à la retraite les trois juges de la Cour de cassation, affecte considérablement les cabinets d'avocats du pays notamment dans la juridiction de Port-au-Prince. Il y a eu déjà certains cabinets d'avocats qui ont déjà menacé de fermer leurs portes à cause de la crise à répétition que connaît le système judiciaire haïtien, a affirmé Me Marie Suzy Legros, bâtonnière a.i du barreau de Port-au-Prince, indiquant que « Ce n’est pas pour la première fois qu'un tel cas s’est présenté au niveau du système judiciaire haïtien ».

Les membres de la Basoche  ne semblent pas être totalement en accord avec la grève illimitée lancées par les juges. 
 
En ce qui a trait aux motifs qui ont poussé les associations des magistrats à rentrer en grève pour protester l’arrêté du 11 février renvoyant à la retraite les trois juges à la Cour de Cassation et la nomination des autres à leur place, la bétonnière, sans entrer dans le fond de l’affaire, dit avoir compris l’action posée par ces magistrats qui entendent se solidariser avec leurs pairs lésés dans leur droit . Selon Me Suzy Legros, l’action posée par l’exécutif pour renvoyer les trois juges de la Cour de Cassation constitue une grave violation de la loi.
 
« La grève a d’énormes conséquences sur le fonctionnement de la corporation des avocats »
 
Me Marie Suzy Legros, première femme bâtonnière d’Haïti, en dépit de sa compréhension du motif de la grève des associations de magistrats, confie que ce mouvement a de conséquences énormes sur le fonctionnement de la corporation des avocats.  Selon Me Legros, depuis deux ans le barreau fonctionne au ralenti suite aux nombreux problèmes auquel faisait face le pays, dont le pays lock, le coronavirus et l’insécurité dans la zone du Bicentenaire. 

« Je ne peux pas être fâchée pour les mouvements de grève mais je suis contrariée, dit-elle. Malgré que nous ne faisons pas de politique, mais parallèlement la situation politique est en train de nous affaiblir fortement, ce qui nous empêche de travailler dans la corporation », déplore Me Marie Suzy Legros qui reconnaît que « cette situation nous a fait tomber dans l’improductivité ».
 
Par ailleurs, elle évoque son angoisse face à cette situation d’insécurité. « J'ai une peur bleue à chaque fois que je vais au barreau non seulement en raison du phénomène de banditisme mais également à cause de fortes alluvions », confie-t-elle.   
 
 
Me Teroncy James, qui se trouvait également sur la cour du palais de justice se souvient de plusieurs moments difficiles dans l’exercice de son métier d’avocat. Membre du Barreau de Petit-Goâve, il affirme avoir être confronté à cette situation de crise depuis tantôt 3 ans. « Nous les avocats, en tant qu’auxiliaires de justice, nous sommes victimes à plusieurs reprises du gouvernement », indique-t-il affirmant que « La défaillance du système judiciaire par une série de grève lancée tantôt par les associations des parquetiers ou des associations de greffiers nous affecte énormément ».
 
Cabinet Jasmin Desiré et ASSOCIÉS, résiste encore 
 
Le cabinet Jasmin Désiré et Associés, pour sa part, dit prioriser en ce moment l’arbitrage ou la conciliation pour gérer les conflits. 
 
La responsable du Cabinet Jasmin et ASSOCIÉS, Me Naed Jasmin Désiré qui abonde dans le même sillage que la bâtonnière, dit comprendre en premier lieu la grève illimitée des magistrats. Cependant, elle dit douter qu'un tel mouvement puisse donner les résultats satisfaisants aux magistrats.
 
« Les violations dont les juges se plaignent sont peut-être très graves mais là je me demande si cette grève n'est pas en train de punir le citoyen qui peut avoir besoin des services de tribunaux ? », s’interroge-t-elle. 
 
Selon l’avocate, la position adoptée par les juges pour protester contre les décisions de l’exécutif cause également du tort au citoyen qui, souvent recourt aux services des tribunaux et se retrouve finalement en difficulté pour trouver des juges pour entendre son cas. Selon elle, cette attitude de la part des juges est en violation avec les droits de la personne. La représentante du Cabinet Jasmin et ASASSOCIÉS, Me Naed Jasmin dit n’être pas certaine que c’est le meilleur moyen pour se faire entendre. 
 
Par ailleurs, la représentante y voit une opportunité pour que les modes alternatifs de règlement de différends entre les parties prennent plus de place dans le système judiciaire haïtien tout en critiquant le fonctionnent des tribunaux dans le pays. 
Me Naed Jasmin a évoqué le manque de disponibilité des juges qui sont dans la plupart du temps absents dans les tribunaux.

« Je fonctionne de manière à ce que je prenne pas trop d’affaires qui nécessitent ma présente au tribunal », avoue-t-elle qui indique prévaloir les solutions à l’amiable dans la majorité des cas. Elle se plaint que des affaires qui pourraient durer trois mois peuvent aller jusqu’à deux ans; ce qui, selon elle, peut décrédibiliser l’avocat aux yeux du client et occasionner des difficultés à toucher ses honoraires.
 
 
Les magistrats ont déposé leur toge depuis le 15 février 2021 pour « protester contre les multiples violations des dispositions constitutionnelles par le pouvoir exécutif ». La grève des juges affecte considérablement non seulement le fonctionnement des Cours et des Tribunaux du pays mais également les cabinets d’avocats. À la juridiction de Port-au-Prince, jusqu’à présent les salles d’audience du tribunal de Première instance et de quelques tribunaux de Paix sont désertes.
 
 

 

Par: Fenel Pélissier

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