PubGazetteHaiti202005

Allo Haïti, ‘’Le temps des flirts avec les dictateurs est révolu", promet Joe Biden

Joe Biden, Candidat à la Presidence des USA


Hier soir, dans son discours de moins que 25 minutes, le candidat à a présidence du parti démocrate a promis de rompre avec les dictateurs.  Naturellement, quand un président américain émet des commentaires sur la problématique des crises politiques internationales, surtout quand directement il parle de dictature, il est question de dictateurs dans la traditionnelle sphère régionale d'influence américaine,  c'est-à-dire l' Amérique Latine et les Caraïbes, incluant donc  Haïti. Ainsi s’il faut regarder ou penser beaucoup plus loin de la valeur de vérité de sa déclaration, cela sous-entend que s’il est élu le 3 novembre et rentre en fonction le 20 janvier 2021, il pourrait, quelques jours plus tard, ne pas cautionner un Jovenel après le 7 février 2021

Tout ceci c’est à court terme, mais dans le long terme, son administration pourrait avoir des conséquences sérieuses dans la gestion politique du pays. Mais il y a un vieil adage qui dit que : l’homme aux abords du pouvoir, n’est pas l’homme au pouvoir.  Questions pour dire :  officiellement le candidat Biden peut bien dire une chose maintenant, n’empêche dans les mois et années après, s'il devient le 46e président américain, son ambassadeur à Port-au-Prince peut dire une chose et faire son contraire.  Ce n’est pas par-ce-que ce diplomate ne respectera pas l’ordre de Washington ou du Ministre des Affaires des États-Unis, mais tout simplement il s'agit de la primauté de la défense des intérêts économiques et géopolitiques américains dans la région.  Puisque, il y a lieu de comprendre que, en tant qu’acteurs influents dans les élections en Haïti, les intérêts de Washington dans le choix des dirigeants du pays de Dessalines, reflètent souvent le contraire du jeu démocratique. 

Tout en faisant une analyse du passé récent de la politique haïtienne de façon à mieux comprendre le discours du candidat Biden, il m’est venu à l’idée que de 2008 à 2017, l’actuel candidat du parti démocrate était Vice-président sous l’administration de Barack Obama.

Qui ne se souvient pas du discours d’adieu d'une cérémonie spéciale organisée par l’HAMCHAM le 9 juillet 2003, ou l’ambassadeur sortant des États-Unis en Haïti à l'époque, Brian Dean Curran, d’une analyse très profonde des réalités politiques, économiques et sociales du pays, eut à déclarer que: « J’espère que les têtes froides prévaudront. Et j’espère que l’ultime incohérence, la nostalgie de l’ère duvaliérienne, n’induise personne à appuyer financièrement ou autrement, aucun rôle politique pour Jean Claude Duvalier. Le passage du temps ne devrait pas effacer les crimes. Les pages de l’histoire ne peuvent pas être retournées. L’Ambassadeur continua pour dire: Cherchez de préférence parmi vos incroyablement talentueux jeunes professionnels éduqués à Harvard, Columbia, Stanford, Georgetown et autres universités américaines, à la Sorbonne ou l’HEC, à McGill ou Laval, pour une nouvelle génération de leadership politique, éprouvés dans le creuset des idées modernes, mais maintenant en Haïti, préparant un meilleur avenir pour Haïti et non la pérennité, la nostalgie ou la revanche.»  (1)

Peut-être que certains se demandent à quoi ça sert, plus de quinze ans après, de revenir avec cet extrait du discours de cet ancien ambassadeur américain qui était en fin de mission en Haïti pour en faire une comparaison à cette dernière déclaration de Joe Biden ? D’autres pourraient objecter que le contexte politique a évolué et une telle analyse, par conséquent, n’est plus appropriée pour aider à comprendre la conjoncture de crise à laquelle le pays fait face actuellement.  Quelle que soit la préoccupation soulevée, cet exercice est important dans la mesure où l’analyse ou le décryptage d’un discours, surtout d’un candidat américain, peut aider à cerner, dans un sens ou un autre, le projet politique de l’Oncle Sam pour le pays.   

Peu importe comment on voit ou comprend le discours de Joe Biden et les déclarations faites il ya de cela presque vingt ans d’un ancien ambassadeur américain en Haïti, il est important et même nécessaire de s’interroger, d’une part des circonstances que le candidat Biden a choisi pour tenir de tels propos, et, d’autre part de l’échéance politique du pouvoir politique de Jovenel Moïse qui arrivera á terme le 7 février 2021. 

Sans entrer dans les détails d’une discussion qui serait définitivement longue, mais quand on essaie de cerner la déclaration de Biden qui, avec de très fortes chances de devenir président des États-Unis dans les prochains mois, il y a lieu de penser que ce dernier veut lancer un message fort aux dirigeants et dirigés des pays de l’Amérique et de la Caraïbe dont Haïti.  Car, « tout discours s’inscrit dans un certain cadre actionnel où sont déterminés les identités sociales, les buts et les rôles sociaux des partenaires de l’échange langagier. » (2)

Patrick Charaudeau dans son texte, À quoi sert d’analyser le discours politique, pense que : « discours et action sont deux composantes de l’échange social qui ont une autonomie propre. C’est de leur combinaison que naît le sens de l’échange langagier. Ainsi, on considérera que les faits de langage sont essentiellement des faits de communication qui ont une double dimension. Une dimension dite "externe" en ce que les acteurs qui y sont impliqués ont des attributs psychologiques et sociaux à priori indépendants de leur comportement langagier : leur identité et leur intentionnalité sont liées à une expérience de l’enchaînement des faits et des événements du monde qui les place dans une logique des actions (détermination d’une quête, recherche d’un résultat, évaluation positive ou négative des conséquences), non dépendante du langage. »  (3) 

De toute façon, la possibilité  d'un éventuel réajustement de la politique étrangère américaine dans les mois à venir n'est pas rassurante pour certains dirigeants de la région, y compris Haïti, qui avaient bénéficié du support de l'administration Trump pour s'arcbouter au pouvoir. Cette donne va sûrement influencer les enjeux de conquête du pouvoir lors des prochaines élections en Haïti. L'avenir dira le reste.

Prof. Esau Jean-Baptiste
21 août 2020

 
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1- Le Monde Du Sud// Elsie News
Archives. Juillet 2003. Discours de l'ambassadeur sortant des États-Unis en Haïti Brian Dean Curran, le 9 juillet 2003 
Publié par siel sur 6 Juin 2017, 15:40pm
Catégories : #AYITI ROSE RAKET,  #AYITI EXTREME DROITE,  #DUVALIER,  #PEUPLE sans mémoire...

2&3- Patrick Charaudeau
Centre d’Analyse de Discours
Université de Paris 3
A quoi sert d’analyser le discours politique

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