PubGazetteHaiti202005

Il était une fois, le prestigieux Ambassadeur de la République d’Haïti en Europe,  Lysius Félicité Salomon Jeune, écrivain diplomate Général-Président

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Salomon rentre dans la catégorie des diplomates haïtiens qui ont été ministres des Relations extérieures et des cultes, avant d’être ambassadeur plénipotentiaire en Espagne, Royaume-Uni, France, avec pour résidence Paris. C’était seulement pour deux années, mais quel parcours, quel souffle diplomatique, avec la gestion d’une crise, celle de 1867-1869 où le natif des Cayes se donnait sans compter, mettant tout son talent de diplomate et de stratège pour servir une cause, celle du président Salnave.

Oh Dieu, dans ce pays qu’est le nôtre, il y a toujours eu des complots contre les personnes qui détiennent un savoir avéré, au point où certains complexés, jaloux et envieux n’avaient pour seul objectif et ambition que celui de se débarrasser de cette catégorie de citoyens qui suscitaient l’admiration de la population. Tenir à bonne distance ces compatriotes qui brillent par leurs compétences, semble être le projet politique de ces médiocres, tapis dans l’ombre qui ne peuvent supporter la suprématie de l’excellence. C’est le cas par exemple de Louis Joseph Janvier. Ce brillant écrivain diplomate, au verbe haut et à la fibre patriotique incontestable. Oui, celui-là même qui ne s’était jamais lassé de défendre son pays contre ceux qui à l’étranger le dénigraient. Il s’était présenté comme candidat à la députation dans la circonscription de Port-Au-Prince, malheureusement, il n’avait pas été élu, Anténor Firmin, le défenseur de notre race, face au diplomate et raciste, le Comte d’Arthur de Gobineau, un prétendu scientifique, a connu le même sort. 
Anténor Firmin, ce natif de la Fosette au Cap Haïtien était bien candidat à la députation, des médiocres notoires, sans envergure avaient manœuvré pour qu’il perde les élections. Ainsi, Louis Joseph Janvier, Anténor Firmin, nos deux plus valeureux nationalistes et diplomates n’ont pas pu siéger à l’Assemblée Nationale. Pensez-vous que ces gens aux ambitions inavouées ont des limites ? Voyez-vous, ils ne se satisfont pas de filtrer les entrées à la Chambre des députés, ils vont s’activer à empêcher l’accession à la magistrature suprême des personnalités compétentes à l’exemple de Lysius Félicité Salomon Jeune qui est à mettre dans le même panier que Anténor Firmin. Tenez-vous bien, nos deux plus grands diplomates et ministres des relations extérieures ont dû prendre le chemin de l’exil parce que, des jaloux, des envieux ne voulaient pas qu’ils accèdent à la présidence de la République d’Haïti. Lysius Salomon était la tête pensante de l’empire de Faustin Soulouque, à preuve, il n’avait cessé d’occuper des ministères de souveraineté. Lui et Damien de Delva formaient un tandem efficace au service d’un homme, à savoir Soulouque qu’ils surpassaient dans tous les domaines. Après quinze années de règne sans interruption, ce régime s’effondra, suite à cette fin de régime, les deux hommes ont été immédiatement bannis par Guillaume Fabre Nicolas Geffrard, le nouveau maitre du pays. Exilé à Paris, Damien de Delva va mourir de chagrin, il en va de même de la première femme du Général Lysius Félicité Salomon Jeune qui était morte dans les Îles Vierges, où son mari s’était réfugié. Ces deux personnalités Anténor Firmin et Lysius Salomon Jeune étaient haïs, honnis par des politiciens jaloux, aigris que regorgeait le paysage politique haïtien à cette époque. A la chute du président Geffrard, le général Sylvain Salnave et les nouveaux maîtres du pouvoir à Port-Au-Prince, discutèrent longuement du sort à réserver au Général Salomon en exil, depuis plus d’une quinzaine d’années déjà. Cet ancien ministre de l’Économie et des Finances, des Relations Extérieures, gênait les alliés du nouveau pouvoir, ce qui était compréhensible. 

En effet Salomon avait joué un rôle non négligeable dans la chute de son pire ennemi, le Général président Fabre Geffrard. En effet des oiseaux de mauvaise augure dans l’entourage de Salnave ont souhaité le garder loin de nos frontières, tronquant son bannissement pour un poste d’ambassadeur en Europe. Ce qui fut fait. Tout comme Anténor Firmin, Salomon était un ambassadeur exilé pour des raisons de politiques intérieures, ainsi que le général Saint Surin Manigat, grand-père du professeur de grande renommée Leslie Manigat. C’était un militaire de carrière, haut en couleur, intellectuel de belle eau, mémorable ministre Plénipotentiaire de la République d’Haïti à Paris, grand commis de l’Etat[1]. Il meurt dans cette ville, au 104 du Boulevard de Courcelles à Paris, qui abritait aussi bien le siège de notre ambassade, ainsi que la résidence de l’ambassadeur. L’ambassadeur Salomon aussi siégeait au 104 avec une habilité diplomatique rare dans nos annales, mais c’est la crise de 1867- 1869[2] qui allait lui donner ses médailles de grand diplomate, car entre lui et le président Salnave le courant passait tant et si bien que les deux hommes avaient la même conception des choses publiques à quelques exceptions près. Les échanges épistolaires entre eux étaient plus que soutenus. Ils dévoilent une certaine conception non seulement de l’histoire du pays de Dessalines, mais aussi de son message révolutionnaire qui fut longtemps, la bible de notre diplomatie. Salomon n’a jamais raté une occasion de faire écouter cette musique diplomatique haïtienne, qui plaisait tant à son chef, le Général président Salnave.    

Tout au long de la crise de 1867-1869, l’ambassadeur Salomon loyal jusqu’au bout, alimentait son président de précieux messages afin qu’il puisse faire face aux insurgés qui voulaient le dévorer.  Dans un livre[3] fort pourvu en informations, notamment dans le domaine diplomatique, les multiples réclamations étrangères imposées à Haïti par les puissances européennes, Antoine Michel s’est longuement arrêté sur le cas de Sylvain Salnave et de sa gestion de la crise. A bord de la corvette de guerre, « le Salnave » le président du même nom écrit, à son ambassadeur en Europe, Salomon Jeune  : « J'aurai voulu vous voir réussir auprès du gouvernement français pour ces chaloupes canonnières et ces obus; ceux qui sont en armes, de guerre lasse, soupirent après la paix, car j'ai des intelligences dans toutes les villes rebelles; si je pouvais par le moyen de ces chaloupes avec deux autres, bloqués efficacement les Cayes, Jacmel, Jérémie et Saint-Marc, tous les révolutionnaires viendront à composition, et l'étranger ne pourrait plus entrer dans ces ports pour intriguer en profitant de la position pour faire fortune, car c'est à eux seuls que la guerre est profitable. Le commerce haïtien comme les familles sont ruinées. « Ecrivez-moi par toutes les occasions ; envoyez-moi vos conseils pour m'aider à sauver votre pays[4]. »

Le profil psychologique de l’Ambassadeur Salomon à travers ses correspondances diplomatiques.

Les échanges entre le diplomate Salomon Jeune et le Général Président Sylvain Salnave sont des morceaux d’anthologie diplomatiques qui nous édifient sur comment fonctionnait la diplomatie haïtienne en ces temps-là. L’ambassadeur Salomon tenait la dragée haute à ses interlocuteurs. Dieu sait qu’il s’y prenait bien et, ses lettres ne laissent aucun doute là-dessus. C’était un ambassadeur exigeant, intransigeant, qui tenait une comptabilité en matière d’informations lui permettant d’informer son ministre des Affaires Etrangères d’une manière efficace. De tout le temps il n’y pas de diplomatie efficace sans une branche consacrée exclusivement à l’information. Aujourd’hui on dirait pompeusement l’intelligence économique, pour faire classe et surtout pour ne pas évoquer un mot, qui donnant la sueur froide aux capitales occidentales, service secret. C’est un mot que l’on n’entend plus, depuis belle lurette, les fins limiers veulent qu’on l’oublie jusque dans les vocabulaires qu’ils emploient. Salomon c’était ce prestigieux ambassadeur qui compulsait les informations, avec des précisions et une méticulosité de renard. Le tout, informer les chefs de son pays, avec des messages diplomatiques d’une clarté épanouissante.  Sa fibre patriotique transpirait dans toutes ses prises de position diplomatiques. J’ai pu réunir plus de cinq cents pages d’archives faites des échanges, comprenez des correspondances entre ce quatuor de hauts commis de l’Etat composé de Salomon ambassadeur en Europe, Sylvain Salnave, Président d’Haïti, André Germain, ministre des Relations Extérieures du gouvernement, Prince de la Tour d’Auvergne, ministre des Affaires Étrangères de France. Un voyage au cœur de ces archives démontré à suffisance, qu’il fut une époque où la gestion de notre diplomatie était une affaire grandiose, quelques soient les époques, les circonstances. Exemple, la correspondance du Président Salnave à son ambassadeur Salomon, correspondance par laquelle, il sollicite ses précieux conseils sur les politiques à mettre en œuvre en vue de contenir les insurgés qui les assiégeaient. C’est dans de tels moments de crise que l’on s’explique la nécessité et l’utilité d’un diplomate rompu aux affaires et de surcroit militaire de carrière. Les lettres et câbles de l’ambassadeur Salomon au total plus de soixante-quinze témoignent d’un temps révolu où Port-Au-Prince dictait textuellement à son ambassadeur la conduite à tenir, les instructions à suivre. 

Autre exemple, toutes les correspondances de notre ambassadeur plénipotentiaire adressées aux autorités françaises étaient au préalable approuvées par l’autorité de tutelle. Cette méthode de travail fonctionnait convenablement jusqu’à encore une date récente.
Mais le comble de notre fierté et satisfaction, c’est le moment où l’ambassadeur Salomon demande ni plus ni moins par courrier au comte Clarendon, ministre des affaires Britanniques de sa Majesté, le rappel de son ambassadeur, le Comte John Spencer à Port-Au-Prince. John Spencer que Salomon considérait comme persona non grata, surtout que ce dernier s’était attiré les foudres de deux éminents diplomates haïtiens : Louis Joseph Janvier et Hannibal Price suite à la parution de son livre » Haïti ou la République noire » un brulot qui suintait le racisme à plein nez.

Le prestigieux Salomon à l’œuvre

Depuis toujours les diplomates européens et autres en poste à Port-au Prince ont toujours tenu des discours qui violaient toutes les convenances diplomatiques. Ils agissaient en terrain conquis.  Spencer St John avait dépassé toutes les bornes diplomatiques pour atteindre le sublime des violations des règles diplomatiques le plus élémentaires. L’ambassadeur Salomon remplissait son office avec patriotisme et dévouement.  Les procédés de son homologue en terre haïtienne, l’empêchèrent de dormir et prenant sa plus belle plume pour se plaindre :

« Paris, le 17 Décembre 1869.
« Sa Seigneurie le Comte de Clarendon, Ministre des Affaires Etrangères.
« Milord,

«Le gouvernement du Président Salnave m'a chargé d'exprimer à Votre Seigneurie combien il regrette l'insuccès des démarches que j'ai faites jusqu'ici pour le rappel de M. Spencer St-John; mon gouvernement le regrette d'autant plus, qu'il est convaincu que le Chargé d'Affaires de Sa Majesté et animé de sentiments tels, qu'il ne lui est plus possible d'entretenir de bonnes relations avec nous. Loin de chercher à prévenir les difficultés, ou à les aplanir, s'il s'en présente, M. St-John semble avoir pris à tâche de nous en créer. Ainsi, dans l'affaire qui concerne le sac de lettres, si cet Agent eût agi dans un esprit de conciliation, il se fût contenté des explications et des protestations du Secrétaire d'Etat des Relations Exérieures; car M. St-John sait trop bien qu'il ne peut entrer dans l'esprit du cabinet haïtien de froisser, en quoi que ce soit, la susceptibilité du gouvernement britannique.


« A peine une difficulté est-elle levée, que M. St-John nous en suscite une nouvelle ainsi le gouvernement avait permis au West India and Pacific Company d'établir un ponton dans la rade de Port-au-Prince ; mais ayant reconnu que l'usage de ce ponton portait préjudice à l'intérêt public, le gouvernement a notifié à la compagnie le retrait de la permission qu'il lui avait accordée. M. St-John sait parfaitement qu'une tolérance n'implique pas un droit ; cependant il nous a contesté notre droit de retrait, en déclarant qu'il en appelait de notre décision à Votre Seigneurie, et qu'il exigeait une indemnité, si la compagnie était privée du service de ce ponton[5]. »  
 
[1] https://archive.org/details/lenationalsaints00mani/page/n1/mode/2up
 
[2] André-Georges Adam
Editions H. Deschamps, 1982 - 217 pages
[3] La XIV Législature les réclamations étrangères tome IV
240 pages
Imprimerie la presse 1933   
[4] Ibid. P.57
[5] Op cit. La XIV Législature P. 67.


Par: Maguet DELVA

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