PubGazetteHaiti202005

Opinion.-Haïti, d’une crise sans précédent, maintenant : le néant politico-administratif et institutionnel

Credit photo: Stanley LOUIS

N’en déplaise à toutes celles et à tous ceux qui croient au caractère immuable de l’être, nous nous donnons de livrer, tous azimuts, cette nouvelle lecture d’une terre jadis matrice de liberté. Sans prétendre esquisser les contours historiques des calamités de la deuxième démocratie de l’hémisphère, notons dès l’abord que pour certains elles remontent au lendemain de l’assassinat de l’Empereur Jean Jacques Dessalines et pour d’autres il y a seulement quelques décennies. Tout compte fait, Haïti aura connu dans son histoire récente une litanie de crises jusqu’à plonger dans le chaos avec l’assassinat spectaculaire du Président Jovenel Moise. Si notre génération et celles d’avant se  contentent ou se plaisent à répéter la malicieuse phrase créole : pèsonn pa konn ki mò ki touye Lanperè, les générations futures risquent d’en hériter une deuxième : pèsonn pa konn ki mò ki touye Prezidan an. 

 Décidément les vieux démons hantent encore le pays.


 Vieux démons ! Nous imaginons déjà les réactions de nos jeunes d’aujourd’hui  sur les réseaux sociaux qui, de façon laconique, répondraient par une emogie d’étonnement et/ou le fameux Loll anglais ou son équivalent français, Mdr.  N’ont-ils pas raison ? Malheureusement si. Car, ils sont sans repère, donc privés de racines et avec très peu de références politiques ou sociales puisqu’ils vivent désormais dans leur pays  le NÉANT politico-administratif et institutionnel. Par conséquent, l’exode en terre étrangère devient pour cette jeunesse à la fois désorientée et désemparée l’unique alternative.

En effet, lorsque dans une société en crise aucune de ses élites qu’elles soient économiques, intellectuelles ou politiques n’arrivent même à se mettre d’accord entre elles pour proposer une solution il y a lieu de s’inquiéter, voire s’interroger sur l’existence même de l’être haïtien.

D’ailleurs, voilà une question anodine, mais très grave qui ne vous est certainement pas étrangère : Eske peyi sa gen moun k ap viv ladan l ?  Gravissime dirions-nous, car la femme haïtienne et l’homme haïtien  sont remis en cause. Venue généralement des masses défavorisées ou des gens n’ayant aucune responsabilité politique ou sociale en matière de gestion de la chose publique, cette question détient la valeur d’une interpellation en règle de toutes nos élites quelles qu’elles soient. Ceci, en raison de l’importance même de ce groupe de femmes et d’hommes  ayant droit à certaines qualités valorisées socialement. Autrement dit, en tant qu’élites, elles/ils sont dépositaires de responsabilités envers la société notamment  pour tout ce qui concerne des propositions destinées à résoudre les problèmes auxquels est confronté le pays. Malheureusement, par leur égocentrisme, les comportements qui dénotent l’absence de patriotisme chez elles/eux et leurs reflexes de Ponce Pilate on aboutit au néant institutionnel.

En conséquence, en tout et partout au pays les bandits dictent leurs lois. En une journée et d’un seul coup 180 personnes sont kidnappées.  Déjà, pour les 15 premiers jours du mois d’Octobre 2021 l’on relate une augmentation des cas de kidnapping  de plus de 300% par rapport au mois précédent. À Bel-air particulièrement à la rue Saint Martin, à Bolosse (3eme, 4eme, 5eme Avenue), à Martissant on a connu un déplacement global de population fuyant violence des gangs armés. Maisons incendiées et/ ou dépecées sous l’impact des bals, trous béants sur les chaussées, piles d’immondices, mares d’eau, carcasses de véhicules, bref, les images de ces endroits sont apocalyptiques.  Que font les autorités en charge d’assurer la sécurité de la population ? Rien. Oui absolument rien, puisqu’elles incarnent  en grande partie le mal qui ronge le pays. Chez ces élites  de tout temps complaisantes c’est le silence absolu. Mais cela ne s’étonne guère puisque maintenant inexistante. Les  complaintes de ces vaillantes et vaillants héritiers de cette terre  de vie,  aujourd’hui devenus toutes et tous des morts-vivants attendant hébétés l’heure ultime, restent sans réponse, car toutes les institutions étatiques sont frappées d’anéantissement. Les anciens libres deviennent de véritables marchandises aux yeux de nouveaux colons et pirates appelés ironiquement des kidnappeurs. Eux qui sont connus de tous, mais invisibles pour être soit de simples citoyens lambda soit de dirigeants, d’hommes d’affaires et voire des diplomates accrédités au pays et dont les agir s’apparentent au terrorisme d’Etat.  

 Haïti est désormais flanqué d’une pancarte affichant le message : Silence ! Ici on tue, on viole, on vole 7 jours sur 7 et partout dans les rues, à l’église, au supermarché, au bureau, à la maison. Aucune exception n’est faite. Que vous vous appelez Père Simoly, Gregory St Hilaire, Evelyne Sincère, Montferrier Dorval ou même ce petit paysan-Président du nom de Jovenel Moise.
Qui dira Kanpe la ? STOP ! Basta ! Arrêtez ! Qui peut mettre un terme à cette lente, mais effectif génocide ? Certainement pas les victimes, car elles sont à bout de souffle. Encore moins ces oubliés des mornes ou des bidonvilles qui n’ont voix au chapitre et dans une étonnante passivité convertie en une réelle léthargie. Alors qui ? Ha ! Ces  vautours de dirigeants ou ces hommes et femmes politiques longtemps tapis dans l’ombre d’une soi-disant opposition attendant avidement l’heure du festin ? Sans blague ! Pitit tig se tig. Cette personne avait bien dit. En effet, pitit chat se chat. Joumou patap janm donnen kalbas. Géniteurs de monstres, ils ont engendré le chaos, maintenant : le néant politico-administratif et institutionnel. L’histoire retiendra vos noms infâmes.

Pourtant il y a raison d’espérer, quand on regarde ce petit garçon de 4 ans du nom de Watson Benoit  non scolarisé qui, vivant à Martissant, cette zone devenue tombeau à ciel ouvert où,  dans diverses rues, chiens et porcs se partagent des corps humains sans vie, a catégoriquement refusé la voie que lui proposait un adulte, celle de porter une arme. Ce garçonnet mieux outillé psychologiquement que certains de nos dirigeants, cette petite étincelle cultive en elle le boukan dife d’une prise de conscience collective qui saura nous conduire vers la reconquête de cette terre de liberté qu’est Haïti. La victoire est possible. Elle n’est pas nécessairement au bout du fusil. Gardons l’espoir, et dans le sens de la reconstruction de notre pays aujourd’hui en lambeau et au bord du néant,  osons agir aujourd’hui et maintenant. Se révolter contre la situation actuelle est une urgence et par-dessus tout un devoir citoyen. Dire non, ne suffit pas. Il faut que cela cesse. Il faut que les choses changent. Rebellons-nous. Récupérons notre dignité, notre fierté d’héritiers des colosses africains et amérindiens aux pieds d’airain. Récupérons notre pays : AYITI. Faisons-le pour nos enfants et les enfants de nos enfants. Faisons-le pour l’humanité. Faisons-le pour promouvoir le droit à la vie.


 

Par: Walsonn Sanon

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