PubGazetteHaiti202005

L’heure n’est ni à la fête, ni aux célébrations, à l’occasion de la Noël et du nouvel an mais à la mobilisation générale contre l'arbitraire et le kidnapping, selon la Conférence des Pasteurs haïtiens 

Pasteur Pierre Ernst Vincent, prés COPAH

Dans son traditionnel message de fin d’année, la Conférence des Pasteurs Haïtiens, COPAH, a dressé un tableau très sombre de la situation générale du pays caractérisée, selon elle, par la corruption, l’interruption de l’ordre constitutionnel et démocratique, l’inégalité sociale, la misère, la violation des droits fondamentaux de la personne, la mauvaise gouvernance, l’insécurité et la grande criminalité. Fort de ce constat, la COPAH estime que l’heure n’est ni à la fête, ni aux célébrations, à l’occasion de la Noël et du nouvel mais à la mobilisation générale de toutes les forces vives de la nation contre l'arbitraire et le kidnapping.

La Conférence des Pasteurs Haïtiens, COPAH, n’y est pas allée par quatre chemins pour lancer un appel à la mobilisation générale de toutes les forces vives de la nation, à l'occasion des fêtes de fin d'année et du nouvel an contre, nous citons, l'arbitraire et le kidnapping, instruments d’intimidation politique utilisés par le régime actuel pour forcer le peuple haïtien à avaler la pilule amère de la dictature. « Les forces religieuses doivent s’armer de courage pour se positionner non aux côtés des prédateurs de la démocratie et des droits humains mais aux côtés de la Constitution, du droit et de la justice. Aucune institution religieuse ne doit en aucune manière se laisser instrumentaliser par un pouvoir politique qui a fait choix du kidnapping et de la violence aveugle comme méthode de gestion et de politique publique. Au contraire, la Bible exhorte tous les chrétiens à ouvrir la bouche pour le muet, pour la cause de tous les délaissés. L’obligation leur est faite de juger avec justice, et de défendre le malheureux et l’indigent” (Proverbes 31 versets 8, 9) », dénonce la COPAH dans cette note qui porte la signature des révérends pasteurs, Ernst Pierre Vincent et Ismaël Baptiste, respectivement Président et Secrétaire Exécutif de cette structure.

La COPAH pense qu’en cette période difficile, Haïti a plus que jamais besoin de la prière et d’actions concrètes pour, dit l’organisation religieuse, débarrasser le pays du régime dictatorial qui impose la terreur d’Etat à toute une population. C’est en ce sens qu’elle encourage tous les croyants à prier pour le pays. « Cependant, cette invitation à la prière ne doit pas être interprétée comme un moyen d'amener les croyants à penser qu’ils peuvent freiner l’insécurité, le kidnapping, la dilapidation des fonds publics et les crimes politiques uniquement par la prière. La COPAH encourage, par conséquent, le mariage de la prière avec l’action et la responsabilité citoyennes pour faire échec à la dictature de Jovenel Moïse », insistent les responsables de la COPAH qui se disent inquiets et anxieux face à la situation générale actuelle en Haïti.

Cette situation, souligne l’organisation, est marquée par la dégradation accélérée des conditions de vie de la majorité des haïtiens, le climat sécuritaire qui se détériore de jour en jour et l’insécurité criminelle qui prend chaque jour des formes les plus abominables, atteint des proportions alarmantes. A l’exception des gangs criminels qui prolifèrent à travers le pays en se fédéralisant, l’insécurité fait des victimes parmi toutes les couches de la société, sans distinction de classe, de couleur ou d’appartenance religieuse. Des pasteurs, des écoliers, des étudiants, des marchands, des membres du corps médical, des avocats, des juges, des commissaires du gouvernement, des policiers sont assassinés ou enlevés contre rançon.

La COPAH note également que « sur le plan politique, le pays est en train de basculer dans l’incertitude et la dictature. Depuis le 13 janvier 2020, le président Jovenel Moïse a interrompu l’ordre constitutionnel et démocratique en mettant fin prématurément au mandat d’un tiers du Sénat de la République, par simple Tweet. Il a donc choisi délibérément de diriger le pays par décret au détriment de la constitution en vigueur. C’est un choix politique qu’il avait fait de ne pas organiser des élections pour renouveler le personnel politique du pays afin d’éviter toute rupture du processus démocratique. Cette attitude a mis en évidence la nature de son régime et sa volonté délibérée d’établir une dictature brutale dans le pays ».

La COPAH dénonce également les velléités dictatoriales du président Jovenel Moise exprimée, selon elle, par la promulgation des décrets anti-démocratiques et anticonstitutionnels, l'intensification de la répression aveugle et la violence politique orchestrées dans les quartiers marginalisés par les gangs armés à la solde du pouvoir. « Si avant le deuxième lundi de janvier 2020 certains haïtiens doutaient encore de l’orientation dictatoriale du Président Jovenel Moïse et du régime du PHTK et alliés, les actes posés au cours des onze derniers mois sont plus que suffisants pour les édifier ». S’agissant du mandat constitutionnel du président de la République, ces leaders religieux prennent position en affirmant que le mandat de Jovenel Moïse arrive à échéance le 7 février 2021 (article 134-2).

Ils dénoncent le fait que, selon eux, le chef de l’Etat, au lieu de se préparer à transmettre pacifiquement le pouvoir à un gouvernement de transition à la fin de cette échéance, se lance dans une dynamique de confrontation en faisant des mises en place qui montrent clairement sa volonté de s’accrocher au pouvoir, au-delà de son mandat constitutionnel. « D’ailleurs, il l’a dit et répété qu’il ne quittera pas le pouvoir avant le 7 février 2022 », ce qui serait malheureux, tempêtent les pasteurs. Aussi, ils disent constater, qu’au fur et à mesure que la date fatidique du 7 février 2021 s’approche, le président, pris de peur, dévoile clairement sa stratégie de violence visant à réduire au silence et terroriser l’ensemble des citoyens dont ceux des quartiers défavorisés pour les empêcher de se révolter contre l’injustice, l’impunité et les actes arbitraires commis par les gangs armés en symbiose avec le pouvoir en place.

Face à ce tableau très sombre dressé par la COPAH, les dirigeants de l’organisation estiment qu’il n’y pas lieu de célébrer la Noêl et le nouvel an. « Le moment que nous vivons n’est pas à la fête ni aux célébrations mais au combat pour le respect de la constitution, de la vie, des libertés individuelles, des droits fondamentaux du peuple haïtien, de la dignité humaine, de la justice, de la démocratie et de l’Etat de droit. C’est le moment où nous devons nous indigner, nous soulever et nous battre contre tout projet dictatorial sous toutes ses formes, au-delà de nos croyances et de nos rangs dans la société », conclut la note.

 

 

 

Par Diego O. Charles

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