
Alors que la Mission multinationale d’appui à la sécurité (MMAS) dirigée par le Kenya en Haïti approche de son terme, début octobre 2025, le président kényan William Ruto a convoqué, le 22 septembre, une réunion en marge de la 80e Assemblée générale des Nations Unies. Au cours de cette rencontre, il a dressé un bilan qu’il juge positif, estimant que la mission a atteint plusieurs de ses objectifs.
Alors que Port-au-Prince est assiégée à près de 85 %, le président kényan s’est félicité des avancées obtenues après quinze mois d’opérations : sécurisation du Palais national, reprise de l’Académie de police des mains des gangs, remise en fonctionnement de l’aéroport et du port de Port-au-Prince, réouverture de plusieurs axes routiers et reprise des activités scolaires. Selon lui, « le Kenya a démontré qu’il pouvait gérer la situation en Haïti ».
Ces faits avancés sont pourtant loin de la réalité du terrain, selon plus d’un. Aucun axe routier n’a été récupéré jusqu’à présent. L’aéroport ne reçoit toujours pas de vols commerciaux internationaux réguliers, notamment ceux en provenance des États-Unis, qui jugent la situation encore trop incertaine pour reprendre les rotations. La reprise est même repoussée à mars 2026. D'autres zones tombent sous contrôle des gangs en quelques mois.
Le président kényan a toutefois critiqué les problèmes logistiques, notamment la mauvaise qualité des matériels évoquant même de livraison de « véhicules blindés d'occasion » donnés par les États-Unis.
Alors que des gangs organisent des déplacements sur de longues distances, allant même attaquer des zones reculées, Ruto affirme que « les gangs sont des lâches » et qu’à chaque intervention, « ils se cachent ». Pour lui, c’est une réussite qui prouve que la MMAS peut gérer la situation.
Soutiens et réserves de la communauté internationale
Au cours de cette rencontre, les États-Unis ont salué « le courage » du Kenya. Toutefois, ils insistent sur la nécessité d’une nouvelle mission, co-proposée avec le Panama, axée spécifiquement sur la répression des gangs et composée de 5 500 membres. Celle-ci aurait pour mandat de réduire le contrôle territorial des gangs, de protéger les infrastructures essentielles et de mener des opérations directes contre ces groupes armés. Washington a appelé la communauté internationale à partager la charge financière et logistique de cette mission, refusant d’en assumer seul le poids.
Le coordonnateur du Conseil présidentiel de transition, Laurent Saint-Cyr, a, pour sa part, remercié William Ruto et exprimé sa reconnaissance envers les États-Unis. Tout en saluant les efforts accomplis, il a rappelé que les difficultés de financement et les lacunes opérationnelles offrent encore une marge de manœuvre aux gangs. « L’heure n’est plus aux promesses, mais à l’action. Ne pas répondre à cet appel, c’est laisser un pays meurtri », a-t-il averti.
Prises de position internationales
La Chine s’est dite déterminée à collaborer de manière constructive avec toutes les parties, dont le Kenya et les États-Unis, afin d’aider Haïti. Pékin a toutefois souligné qu’Haïti devait s’approprier la résolution de sa crise et assumer la responsabilité principale en adoptant des mesures concrètes.
De son côté, la République dominicaine a exprimé sa gratitude au Kenya et a exhorté le Conseil de sécurité des Nations Unies à mettre en place un bureau doté de moyens logistiques adéquats pour rétablir la sécurité. Le représentant dominicain a rappelé que son pays a fourni des soins médicaux à 42 membres de la mission et contribué à hauteur de 2 millions de dollars.
Vers une nouvelle étape
William Ruto a appelé à clarifier les mandats et les objectifs de la prochaine mission internationale, tout en corrigeant les erreurs du passé. Il a insisté sur la nécessité de financements prévisibles, sans se reposer sur la charité ni le bon vouloir, et a mis en garde contre un fonctionnement au tâtonnement. Il dit ne pas vouloir quitter Haïti à la hâte, préférant une transition ordonnée pour ne pas perdre tout ce qui a été réalisé par la mission.
En attente de l’agrément de la nouvelle proposition de force de répression des gangs, le pays reste suspendu à la mobilisation de la communauté internationale et à la capacité des Haïtiens à reprendre progressivement le contrôle de leur destin.
Si les plaidoiries se multiplient, des sommets s’organisent et les promesses s’empilent, la situation en Haïti, elle, continue de s’aggraver. Les chiffres des victimes publiés par l’ONU se comptent par milliers chaque trimestre. Des enfants continuent à être recrutés par des groupes de gangs. En depit de la présence d'une force multinationale, pour beaucoup, la résolution durable de la crise sécuritaire reste avant tout une affaire nationale.
Wideberlin Sénexant
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