Par Volcy Assad
Si au début le gouvernement haïtien faisait l’objet de vives critiques par rapport à son attitude vis à vis des autorités dominicaines sur la construction du canal sur la rivière Massacre par un groupe de citoyens, aujourd’hui la ligne diplomatique du premier ministre Ariel Henry dans ce dossier s’affirme clairement. « La construction du canal ne va pas s’arrêter » ( KPK), tel est le message délivré par le représentant d’Haiti à l’OEA, Léon Charles en présence du chancelier dominicain, Roberto Alvarez lors du conseil permanent jeudi 12 octobre.
« Kanal La Pap Kanpe », il a repris textuellement le slogan de ralliement des Haïtiens pour faire corps avec la cause de toute une nation, décidée encore une fois de marquer l’histoire.
Après le discours du Dr Ariel Henry à la tribune des Nations Unies où il a fait valoir « le droit d’Haiti d’exploiter, au même titre que la République dominicaine, les ressources hydriques binationales » et la décision de laisser la frontière fermée malgré la réouverture du côté dominicain, c’est la prise de position la plus limpide de l’Etat haïtien dans ce conflit opposant les deux pays. Position provoquée, diraient certains, par la détermination de la population de Ouanaminthe d'aller jusqu'au bout dans la construction du Canal.
Dans un discours ferme, Léon Charles déclare au nom du gouvernement:
« La construction du canal ne va pas s’arrêter. La République dominicaine doit reconnaitre le droit des deux pays à utiliser de manière juste et équitable les ressources en eau partagées de la rivière Massacre, conformément aux termes de l’Article 10 du Traité de paix, d’Amitié et d’Arbitrage du 20 février 1929 et aux normes internationales en la matière ».
Il « condamne fermement l’utilisation de la menace, des manœuvres d’intimidation et de la désinformation qui, dit-il, ne sauraient se substituer au respect des engagements internationaux ». Le diplomate rappelle au ministre des affaires étrangères dominicain que, face à une telle situation « les voies de résolution claires et précises sont déjà prévues dans le traité ».
L’autre information capitale dans cette intervention, c’est l’annonce du gouvernement de finalement « (s’engager) avec toutes les parties prenantes locales pour la réalisation des travaux dans les règles de l’art par les entités qui ont les compétences techniques et légales pour ce faire ».
Dans les colonnes de notre journal, nous n’avions cessé de demander à Ariel Henry de passer de la parole aux actes.
En effet, le gouvernement ne doit ménager aucun effort pour mettre en confiance le comité du canal en l’accompagnant dans « ce projet de dignité et de réveil national ». Il doit en profiter également pour redéfinir définitivement ses relations avec la République dominicaine dans une dynamique de respect mutuel, en tant que deux pays souverains partageant l’île. Nous entendons par là:
-la réévaluation des échanges commerciaux ( contrôle des produits importés);
- le traitement réservé aux ressortissants haïtiens (déportation massive au mépris des droits internationaux);
-les abus contre les travailleurs haïtiens;
-le statut des étudiants…); etc.
Parallèlement, les différentes réunions organisées par le ministère du commerce et de l’industrie « avec le secteur privé haitien, notamment les industriels et les importateurs locaux » en vue de faire face à la crise sont des démarches qu’il faut encourager.
Il s’agit, « d’une part, pour le gouvernement de diversifier nos partenaires commerciaux et d’autre part de réfléchir sur les besoins nécessaires en vue d’augmenter la capacité de production des industries locales », a indiqué le ministère dans un communiqué paru le 6 octobre 2023. En ce sens, le ministre Ricardin Saint-Jean a rencontré récemment, comme prévu, les responsables de la délégation mexicaine en Haïti « pour discuter sur les différentes opportunités visant à renforcer les échanges commerciaux entre le Mexique et Haïti ».
Une nouvelle politique axée sur le renforcement de la production nationale et la rupture du cycle déséquilibré et honteux de dépendance commerciale vis à vis de la République dominicaine est la question centrale aujourd’hui. Et l’administration actuelle semble finalement saisir l’enjeu pour notre économie car il faut souligner, écrit-elle dans le même communiqué, qu’à travers toutes ces initiatives, le gouvernement entend tout mettre en œuvre afin de pallier les conséquences à court terme découlant de cette crise, et surtout de s’assurer à réduire à long terme, la dépendance du Pays de l’importation.
Une telle démarche, si elle est sincère, mérite l’appui de tous les secteurs de la vie nationale ( partis politiques, société civile, la presse, l'église…) car le destin d’Haïti se joue à travers ce conflit provoqué, faut-il le signaler, par le président dominicain Luis Abiner au mépris des conventions internationales. Au delà de nos divergences poliques ou autres et malgré la gestion catastrophique globale du pays par l'équipe au pouvoir, Haïti doit désormais parler d'une seule voix dans ce dossier. Il est question d'une lutte pour notre dignité, notre souveraineté et notre fierté de peuple ayant fait la grande révolution de 1804.
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